"l teux qui sagne", c'est-à-dire "celui qui signe". Quelques grands journaux ont entrepris dernièrement des enquêtes concernant les diverses sortes de "guérisseurs". Il fut fait mention, dans ces reportages, d'une ancienne catégorie de ces personnes, celle dite des "souffleurs".
Il m'a été donné, dans ma jeunesse, de voir opérer l'un d'entre eux, pour la prétendue guérison d'un enfant en bas âge, atteint du "Mal de Saint-Méen".
Le dit guérisseur était alors berger et je me souviens qu'on le disait apte à soigner les animaux. Sans doute soignait-il aussi certaines personnes pour des maux bien spécifiés. Il est permis de le supposer, puisque je l'ai vu à l'oeuvre. L'enfant, dont le visage était couvert de croûtes suintantes, était porté par sa mère qui se rendait certainement à un rendez-vous fixé : à l'embranchement du Chemin de la Garenne et de la Route du Chesnois.
Ses moutons garés dans le chemin du Moulinet, le berger s'approcha à pas lents, se pencha sur l'enfant et, la mine grave, lui souffla sur la figure à trois reprises en agitant chaque fois la tête pour former le signe de la croix. L'opération était terminée et c'est d'un air détaché qu'il reçut ensuite de la maman, une pièce de quarante sous, récompense de ses bons offices. Pièce qui, à l'époque, représentait le salaire journalier d'un homme.
J'étais alors trop jeune pour m'intéresser aux suites et résultat du traitement, mais il
est probable que le mal, qui avait atteint son maximum d'intensité, ne pouvait ensuite
que décroître, effet que le "sagneux" avait peut-être escompté en n'opérant qu'à ce
moment-là. Il se nommait Logeart, mari d'Angélinie Beauvarlet, surnommé "El Pélerin".
L'enfant, l'un des deux derniers du ménage Blavier-Libecq.