LE CLIMAT DE MONTHERMÉ
(par René Miette, Bulletin municipal - 1977)

  "L'Enveloppe", ceinture boisée, début de la grande forêt de l'Ardenne, la boucle de la Meuse, le débouché de la Semoy, caractères éminents du site de Monthermé, forment hélas un front froid au contact desquels les masses nuageuses venant du sud, précipitent l'eau qu'elles entraînaient.

  Notre région est une des plus arrosées de la vallée (Charleville est déjà plus favorisé). A Monthermé, il pleut en moyenne un jour sur deux, et finalement, au bout de l'an, la hauteur totale d'eau tombée atteint un mètre.

  Par suite, les journées de plein soleil sont rares, une par semaine. Selon les statistiques de la Météo nationale, l'insolation annuelle de notre région se situe autour de 1700 heures [1400 ?], contre 2700 pour la Côte d'Azur.

  Si l'été est court, marqué de vifs sursauts, quelques rares après-midis de soleil, avec des pointes à l'ombre de 33 à 35° suffisent à créer une chaleur lourde, qu'un touriste marseillais a déclaré un jour ne pouvoir supporter. Aussi, l'orage déploie rapidement ses "cumulus à choux-fleur" et déverse des paquets d'eau, laissant derrière lui, un ciel lavé d'un bleu intense, le bleu d'Ardenne, et un sensible rafraîchissement de l'atmosphère ... il faut remettre la veste.

  Presque subalpin, caractérisé par de brusques sautes de température, d'assez forte amplitude, quelle que soit la saison, notre climat est très éprouvant pour ceux qui ne sont pas Ardennais de souche.

  Il n'y a pas de vent constant ou violent (comme le mistral du Midi par exemple) et les tempêtes sont rares, l'orographie du terrain ne s'y prêtant pas, les vents de sud et d'ouest dominent avec la pluie, le nord et l'est avec la neige. En avril, un vent d'est persistant dessèche les jeunes pousses.

  La saison froide est longue à Monthermé. L'hiver et l'automne, confondus avec leurs plafonds bas de brumes et brouillards accrochés à l'Enveloppe dont la crête ne se distingue plus. S'installe souvent un régime de pluies fines, interminables, pénétrantes. Il "mousine" peut-on dire alors, comme au temps d'Henri IV. Décembre est nettement le mois le plus pluvieux de l'année ou marqué de neiges. Que de crues de la Meuse à l'époque des fêtes de Noël !

  Janvier "l'enragé", Février "a co pi", les mois durs où règnent gels, bises, crachin, verglas. Le nombre de jours où la moyenne des température sur 24 heures est de zéro ou en dessous s'étend sur un mois de l'année, de la saison froide. Les gels nocturnes sont plus fréquents, sévissant durant tout le trimestre hivernal. Des minima de -12 à -15° s'observent chaque année. Fait plus grave, l'hiver mord sur le printemps et des gelées se produisent au cours de la première décade de mai, et même au-delà, une année sur deux. Avis aux jardiniers trop pressés. Au bout de quelques jours de froid stabilisé de -8 à -10°, les glaçons apparaissent sur la Meuse ; un gel durable et la Semoy est prise par les glaces. Les débacles de la Semoy sont brutales et redoutées, nous en reparlerons.

  Il neige peu sur la boucle en général ; mais quand le temps s'y met, le manteau blanc durant un mois occupe le sol, s'y accumule, la circulation est ralentie, stoppée, sur les hauteurs où les congères atteignent le mètre.

  Par hiver doux (il y en a), le froid est remplacé par des pluies dépressives pour le moral et le physique, par leur longueur. Dès que la hauteur d'eau recueillie s'élève à 8 cm, voire 10 en deux ou trois jours, les rivières débordent. Les crues de la Meuse, assez fréquentes jadis, ont cessé depuis une quinzaine d'années. En effet, il existe dans nos régions un cycle d'années sèches, succédant à un autre humide, analogue à celui de la période trentenaire de Brückner, pour l'Europe centrale (nous ne pouvons entrer dans le détail dans le cadre de cet exposé succinct).

  L'humidité a prévalu entre 1948 et 1967, depuis nous avons vécu une décade d'années sèches, la série, à notre avis, n'est pas terminée. Est-ce la sécheresse ? 1976 se situera certainement en tête de peloton à ce point de vue, avec ses grandes chaleurs stables, au dessus de 30° à l'ombre, éprouvante pour l'homme, désastreuse pour l'environnement. On remarquera que les méfaits de la sécheresse, cette année, ne sont que l'aboutissement d'une diminution graduelle de la pluviosité depuis 1967, hauteurs de pluie en dessous de la normale (1053) sept fois sur dix ainsi qu'en témoignent les tableaux ci-après :


1967-1976 : une décennie sèche ?
Année Haut.(mm) Nb jours Année Haut.(mm) Nb jours
1967 1003 165 1972 962 170
1968 923 172 1973 810154
1969 880 165 1974 ---- ----
1970 1023 192 1975 843153
1971 840145 *1976 490109
Autres années sèches remarquables depuis 1942
1949 816126 1959 798124
1953 753148 1964 870154
Années humides (par ordre d'importance)
1965 1481 201 1974 1237 210
1966 1427 197 1950 1230 180
1958 1427 170 1960 1230 199
1952 1340 175 1961 1212 164
1951 1226 ? 169 ---- ---- ---
[*] sur 10 mois

  Une question se pose. Pouvait-on au début de l'an 1976, prévoir cette extrême sécheresse, pour nos régions ? Il n'est pas possible actuellement, en se basant sur les archives, les statistiques des relevés météo, existant depuis un siècle, de pronostiquer un régime général en temps et en un lieu donné pour une certaine époque. La formation, les mouvements des masses nuageuses, issus des régimes de basses et hautes pressions (cycloniques ou anticycloniques) obéissent à des influences très complexes, parfois subites, venues de la haute atmosphère.
  Selon une hypothèse toute personnelle, basée sur l'évolution du magnétisme solaire (il est reconnu que les éruptions solaires, ou taches, favorisent la pluie), on pouvait formuler une probabilité de sécheresse dès 1975, année où débutait un minimum solaire (absence de taches, phénomène périodique) c'est-à-dire cessation d'émission de flux cosmique et magnétique affectant notre atmosphère, le globe et ses habitants. la cessation de fièvre solaire, qui s'est prolongée sur 1976, et dure encore, favorise l'établissement de calmes anticycloniques stables de longue durée, générateurs de beau temps, et en certains endroits, de sécheresse.


Tableau des moyennes établies sur 35 ans de relevés
Pluie (mm) Nb jours Température Soleil (jours) Gelée (jours) Gel noct. Orages
1053 16 % [?] 10°36 5 % [?] 29 84 1 %

  Voilà un exposé peu réjouissant, finalement quand faut-il prendre ses vacances si on veut les passer à Monthermé ?

  • Les plus beaux mois : stabilité des températures, bon ensoleillement, sécheresse relative...
    • Septembre : un fois sur deux,
    • Juin et Octobre : une fois sur trois, mais en octobre, les jours sont moins longs.
  • Les plus vilains : c'est assez troublant, sont ceux durant lesquels le tourisme bat son plein dans la vallée...
    • Août et Juillet : une fois sur deux, très pluvieux, frais, orageux.
      La fête du 14 juillet est souvent arrosée, celle de fin août plus fraîche, on a tiré des armoires manteaux et pardessus.

  On a souvent posé la question suivante : pouvait-on faire pleuvoir "artificiellement" ? [en 1976]
Il eût fallu des nuages pour cela et le ciel n'en avait pas. Même s'il eût été couvert, ce n'était pas possible. Les multiples tentatives entreprises dans le monde se sont soldées par beaucoup plus d'échecs que de succès. Les connaissances acquises dans le domaine de la constitution microphysique des nuages sont trop fragmentaires. Les expériences dont la presse s'est fait l'écho ne sont pas prêtes à déboucher sur des résultats opérationnels.
  Force est donc de nous prémunir contre l'imprévisible. Alertée néanmoins par la situation au printemps, la municipalité a réalisé d'urgence deux travaux qui s'avéraient des plus utiles. Tout d'abord, la captation des eaux de la Faligée, au niveau de la station de la Pilette, pour l'alimentation de l'aggomération. D'autre part, un forage à 22 mètres de profondeur, non loin de l'hospice des Hauts-Buttés, forage complété par une pompe immergée et une cuve de 4,500 mètres cubes formant réservoir.
  On sait qu'en 1975, il a fallu approvisonner la population des Hauts-Buttés, en transportant des tonnes d'eau de Monthermé. Cette année, grâce au forage, cela n'a pas été nécessaire. Non seulement, la population y compris l'hospice, n'a pas été privée mais bien des "clients" sont venus d'ailleurs, même des communes voisines, s'alimenter en eau potable.


  Nota : graphiques tracés d'après les relevés de :
  * René Miette (décennie 70 + années sèches + années humides)
  * Denis Thillois, parus dans "le Curieux baraquin" n°29 / janvier 2013.
  * Gérard Lefort depuis 2013 (relevés de t°, depuis août 2013, non pris en compte)
  ** La station météo utilisée pour calculer le climat pour Monthermé est celle de Charleville (située à 13km), à l'extrémité du terrain d'aviation de Belval, laquelle est dénoncée parce qu'indiquant des températures basses. Les instruments seraient-ils en cause ? Sinon, pourquoi personne n'a songé à en demander le déplacement ?