près la classe, en fin d'après-midi, nous avions droit à un quart d'heure de récréation, juste le temps de manger notre (notre quatre-heures), souvent de simples tartines beurrées saupoudrées de sucre, ou parfois un morceau de (le pain de 700 grammes) avec du saindoux et du sel. Après la récréation, c'était l’étude, occasion de faire nos devoirs sans encombrer la maison ou être tentés d’aller jouer dans la rue. Toute absence devait être justifiée.
Un jour, j’apportai au maître, Charles S., un billet d’excuses de mes parents, en vertu
duquel je ne viendrais pas à l'étude, le soir-même. Le maître, par souci de ma personne
ou plus vraisemblablement par curiosité, m’en demanda la raison :
, lui avouai-je donc, tout naturellement.
, me répondit l’instituteur,
faisant la chasse à mon patois. Qu'est-ce que j'aurais dû dire ?
? Ce dont j'étais sûr, c'est qu’en dehors de
l’école, le maître s'exprimait dans les mêmes termes ! Alors, pourquoi il m'engueulait de
la sorte ?
Pour ceux qui l'ignoreraient, le particulier était autorisé à aller couper dans les bois, de quoi ramer ses haricots, à condition d'être muni d’un délivré par l’administration, à présenter à toute réquisition du garde forestier. Dans la pratique, le coudrier était remplacé par la (le sorbier des oiseleurs), en pleine sève. Pour notre père, le fagot comprenait une trentaine d' qu'il nouait avec ! Pour nous, les garçons, ce n'était qu'une dizaine, assez pour nous endolorir l'épaule. En trois voyages, la cinquantaine autorisée était largement dépassée. Pour les petits pois, on se contenterait des pousses de l'année de (de bouleau), dont on pourrait aussi faire des balais.
C'était le même Charles S. qui avait la charge de préparer les élèves à l'entrée au Cours
Complémentaire, en classe de Sixième. Sinon, c'était direction la classe de Fin d'Etudes
pour y préparer le Certif, et après, la (le travail à l'usine) !
C'est avec lui que nous avions appris des rudiments de solfège, pour lesquels il s'accompagnait d'un
, nom pompeux pour désigner un :
soufflet actionné de la main gauche, clavier joué de la main droite.
Le maître était un adepte du châtiment corporel, plus blessant pour le moral que le physique de la
victime désignée : .
La dite-victime se gardait bien de faire part de sa mésaventure à la maison, sous peine de
s'en prendre une autre ! Les mauvaises langues prétendaient que, sur l'autre rive, la directrice
punissait ses grandes élèves en leur faisant porter le bonnet d'âne ou les obligeant à se tenir à
genoux sur une règle. Pure médisance !
En face de l'autorité, se trouvaient des élèves dont certains
avaient un caractère déjà bien trempé. Comme, par exemple, Jean-Yves P., qui, énervé par une
remarque du maître, lui jeta son encrier à la tête. Bien qu'il l'ait raté, il écoppa d'une
punition : la conjugaison, aux huit temps de l'indicatif, du verbe
. Toujours en colère, il ouvrit sa
(son cartable),
en sortit une boîte en métal d'où il extirpa une liasse de petits papiers : des conjugaisons
toutes prêtes, en différentes variantes, parmi lesquelles figuraient celle demandée.
. Jeune ne voulait pas dire
imprévoyant !