Dans « Ardennes vagabondes » (photos de J-M.Lecomte), Yanny Hureaux dresse un portrait du Nouzonnais Théophile Malicet (12/02/1897 - 27/09/1976), ouvrier métallurgiste, qui fut aussi romancier et poète. L'auteur ne propose aucun portait photographique du personnage, bien qu'il dise en détenir, soutirés du « fond Héraux », cadeaux du photographe.
Qualifié de « socialiste modéré et ardent chrétien », ce dernier porte un jugement sévère sur les évènements de 1968 : « ... les barricades des étudiants ! Une honte ! Tu crois que moi, j'ai pu faire des études aux frais de la République ! Si j'avais eu leur chance ... »

[ Couverture de la revue Terres Ardennaises (dessin de Simon Cocu) ]

« "Tout jeune, Théophile Malicet "sautera sur les genoux" de Jean Baptiste Clément qui fréquente la maison familiale. »

  Théophile Malicet est l'auteur de « Debout, frères de misère ! » (paru en 1962), dont le héros est son propre père, le « Paterfamilias » (né en 1850 à Nouzon), ouvrier promu contremaître.

  Extrait :

  « ... Un matin de 1874, il sauve d'une mort atroce "un gosse, un foreur", happé par les engrenages. En immobilisant la machine, Paterfamilias a quatre doigts arrachés à la main droite. Voilà qui, aux yeux du patron, justifie une amputation d'un quart de son salaire. Fou de rage, Paterfamilias voit rouge. S'en est fallu de peu qu'il n'écrase une barre de fer sur la tête de son patron. Mis dehors sans un sou d'indemnité, il décide de fonder sa propre boutique à Nouzon. Une petite dont le coeur sera une forge et où il trimera avec deux "frappeu".... »

[ cf Communication & Organisation ]




Mains glorieuses

  Je la revois, ta main âpre et crucifiée,
  O mon père ! ta main qui n'avait plus qu'un doigt ;
  Ta pauvre main martyre, et qu'à chaque veillée,
  Tu pansais en chantant la justice et le droit.

  Ce doigt qui m'éleva, permets que je l'acclame !
  Nous fûmes douze à table, attendant tout de lui ;
  Et lorsque je défaille et sens faiblir mon âme,
  C'est encor ce doigt-là qui brille dans ma nuit.

  Permets que je le baise, ô vieux lutteur, mon père,
  Ainsi que je le fis ce jour déjà lointain,
  Lorsque le menuisier t'allongeait dans ta bière ;
  Et permets que ma voix reprenne ton refrain :

  Le droit, ah ! Oui, le droit ! Le droit et la justice,
  Pour ces vaillantes mains que le fer mutila !
  Mains blanches, mains de ceux qui n'entrent pas en lice,
  Ce n'est pas en argent qu'on paye ces mains-là.

Théophile Malicet




L'Equipe au grand mouton.

  Le four est blanc; il est à sa température.
  Il feule, aveugle, beugle et meugle aux deux gueulards;
  C'est l'enfer ! Des damnés, ferraillant en mesure,
  Font voltiger le bloom happé par les ringards.

  Les yeux cuisent; le coeur bat son rythme sauvage,
  La masse en branle écrase et hurle à grand fracas;
  Le sol tangue, et gémit la planche de hissage;
  Mais le bloom devient pièce, et prendra place au tas.

  Puis le combat languit, s'assoupit, se déporte...
  Le four, bien bourré d'acier jusqu'à sa porte
  Proclame sa fringale en un monstrueux rot.

  Et l'équipe, un instant, s'assemble et discutaille,
  Et le pilonnier nain sourit d'un air canaille
  Au marteleur qui sonne aux champs dans son goulot.

Théophile Malicet - La galère a chanté.



Le chant du cloutier

  L'enclume sonne clair ! Nos marteaux sont d'accord !
  Couche Medor ! Tourne Pyrame !
  La flamme monte droite comme une gerbe d'or;
  La tuyère effiloche un vieil épithalame !
  Halte Pyrame ! A toi Médor !

  La flamme monte droite comme une gerbe d'or !
  Assez Médor! Vas-y Pyrame!
  Et chantons compagnons; la chanson me rend fort;
  Le boucher se fait rare, et l'épicier réclame !
  A bas Pyrame ! Hop là Médor !

  Vois-tu dans son coin Saint-Eloi qui s'endort !
  Laisse Médor ! Hardi Pyrame !
  Réveillons-le mon chien; tourne rond, tourne encore;
  Ils mangeront du pain, les marmots et la femme !
  Couchez Pyrame ! A vous Médor !

Théophile Malicet.


  Ces poèmes pourraient-ils être proposés, sous forme de cartes postales,
aux visiteurs du Musée de la Métallurgie Ardennaise à Bogny-sur-Meuse ?
  Le numéro 118 de la revue "Terres Ardennaises"
est consacré à Théophile Malicet.