Paul Verlaine (1844-1896) et les Ardennes ...

  • Paul Verlaine est né à Metz, d'un père originaire des Ardennes belges (Paliseul [*]). Passée sa parenthèse tumultueuse avec Arthur Rimbaud, il vient dans les Ardennes où il vivra de 1877 à 1885. D'abord comme professeur (français, dessin, anglais ?) à l'Institution Notre-Dame de Rethel, puis en achetant une ferme à Juniville (avec l'aide financière de sa mère) et enfin, dans l'ancienne maison des parents de Lucien Létinois, à Coulommes.

  • C'est pendant cette période qu'il termine son recueil "Sagesse" et écrit "Jadis et Naguère".

  • Entre octobre 1882 et février 1883, il collabore au journal "Le Courrier des Ardennes" pour six articles, dignes de paraître dans des guides touristiques ardennais.
  • Il fréquente assidûment l'Auberge du Lion, à Juniville, maison devenue, grâce à des admirateurs de ses oeuvres, le "Musée Verlaine". On retiendra particulièrement le nom de Marcelle Ponsinet (+) puis celui de sa fille Marie-Josée Martellière.

  • Cette maison est mise en vente, et risque d'être démolie, pour laisser la place à la construction de logements locatifs, si les collectivités locales ne parviennent pas à la racheter. La municipalité de Juniville peut exercer son droit de préemption jusqu'au 2 mai 2005. Dès à présent, 80% du financement est assuré (municipalité, département, état).

    L'Association l'Auberge de Verlaine (44, rue du Docteur Gobinet / 08300 Rethel) lance une souscription nationale, pour trouver les 15000 euros manquants.
    Si vous souhaitez vous opposer à un acheteur qui, apparemment préfère l'impair, n'hésitez pas à lui adresser vos dons !
  • Mars 2006 : il semble que le Musée soit définitivement sauvé : l'argent nécessaire à l'achat de l'auberge et de son mobilier a été trouvé. Ouf !

  • [ voir le site du Musée ] ... où l'on craint une fermeture en 2008, pour cause de non rentabilité. Momentanément fermé début 2007, il est à nouveau ouvert quelques mois plus tard. Depuis 2010, la commune propriétaire a entrepris des travaux d'aménagement et de gros entretien qui ont permis le développement de nouvelles activités autour du Musée.

  • 26 octobre 2013 : pose d'une plaque au musée, à présent labellisé "Maison des Illustres".

  • L'association des Amis de Paul Verlaine a acheté l'appartement sis "2 rue Haute-pierre dans le vieux Metz, où naquit le poète le 30 mars 1844 et où il vécut les sept premières années de sa vie" en vue de le transformer en musée.
    [ l'u/L'A du 20 décembre 2011 ]

  • [*] C'est sans doute dans la localité de Paliseul que Paul Verlaine a passé ses plus belles vacances. Il revenait régulièrement chez sa tante Louise. La maison familiale est devenue un centre culturel dédié au poète et Paliseul est le point de départ et d'arrivée de la "Route Paul Verlaine" (circuit de 70 km). On y a célébré, en 1996, le 100ème anniversaire de sa mort, par des expositions, des concerts, des visites, ...

  • A propos de la sortie du livre sur "Verlaine et l'Ardenne" de Danielle Chanteux-Van Gottom (aux Editions Weyrich), voir le reportage télévisé, évoquant les vacances d'été de Verlaine (Verlîn-ne) à Paliseul (Palizeul) et Bertrix (Bertri).

  • Bruxelles, 10 juillet 1873 : Verlaine tire deux coups de révolver sur Rimbaud...
    [ Rimbaud - Verlaine : l'acharnement judiciaire (René Guitton) ]

Quelques poèmes de Paul Verlaine ...
L'Heure du Berger | Mon Rêve familier | Chanson d'Automne | Il pleure dans ... | Art Poétique
Le ciel est ... | Magistrat de boue ...

La lune est rouge au brumeux horizon;
Dans un brouillard qui danse, la prairie
S'endort fumeuse, et la grenouille crie
Par les joncs verts où circule un frisson;

Les fleurs des eaux referment leurs corolles;
Des peupliers profilent aux lointains,
Droits et serrés, leurs spectres incertains;
Vers les buissons errent les lucioles;

Les chats-huants s'éveillent, et sans bruit
Rament l'air noir avec leurs ailes lourdes,
Et le zénith s'emplit de lueurs sourdes.
Blanche, Vénus émerge, et c'est la Nuit.

(Poèmes saturniens)



Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon coeur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.

(Poèmes Saturniens)


Les sanglots longs
Des violons
De l'automne
Bercent mon coeur
D'une langueur
Monotone.

Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l'heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure ;

Et je m'en vais
Au vent mauvais
Qui m'emporte
Deçà, delà
Pareil à la
Feuille morte.

(Sagesse)


Il pleure dans mon coeur
Comme il pleut sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon coeur ?

Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un coeur qui s'ennuie,
Ô le chant de la pluie !

Il pleure sans raison
Dans ce coeur qui s'écoeure.
Quoi ! nulle trahison ?...
Ce deuil est sans raison.

C'est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon coeur a tant de peine !

(Romances sans paroles 1874)


De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l'Impair
Plus vague et plus soluble dans l'air,
Sans rien en lui qui pèse ou pose.

Il faut aussi que tu n'ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise :
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l'Indécis au Précis se joint.

C'est des beaux yeux derrière des voiles,
C'est le grand jour tremblant de midi,
C'est par un ciel d'automne attiédi
Le bleu fouillis des claires étoiles !

Car nous voulons la Nuance encor,
Pas la Couleur, rien que la nuance !
Oh ! la nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor !

Fuis du plus loin la Pointe assassine,
L'Esprit cruel et le Rire impur,
Qui font pleurer les yeux de l'Azur,
Et tout cet ail de basse cuisine !

Prends l'éloquence et tords-lui son cou !
Tu feras bien, en train d'énergie,
De rendre un peu la Rime assagie.
Si l'on n'y veille, elle ira jusqu'où ?

O qui dira les torts de la Rime !
Quel enfant sourd ou quel nègre fou
Nous a forgé ce bijou d'un sou
Qui sonne creux et faux sous la lime ?

De la musique encore et toujours !
Que ton vers soit la chose envolée
Qu'on sent qui fuit d'une âme en allée
Vers d'autres cieux à d'autres amours.

Que ton vers soit la bonne aventure
Eparse au vent crispé du matin
Qui va fleurant la menthe et le thym...
Et tout le reste est littérature.

(Jadis et Naguère 1874/1884)


Le ciel est, par-dessus le toit,
Si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit,
Berce sa palme.

La cloche, dans le ciel qu'on voit,
Doucement tinte.
Un oiseau sur l'arbre qu'on voit
Chante sa plainte.

Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là,
Simple et tranquille.
Cette paisible rumeur-là
Vient de la ville.

- Qu'as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis, qu'as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse ?

(Sagesse 1880)


Fous le camp, quitte vite et plutôt que cela
Nos honnêtes Ardennes
Pour ton Auvergne honnête d’où déambula
Ta flemme aux lentes veines.

Paresseux ! quitte ce Parquet pour encirer
De sorte littérale
D’autres au pied de la lettre au lieu de t’ancrer,
Cariatide sale,

Dans ce prétoire où tu réclames l’innocent
Pour le bagne et la geôle,
Où tu pérores avec ton affreux accent
Pire encore que drôle,

Mauvais robin qui n’as, du moins on me l’a dit,
Pour toi que ta fortune,
Qui sans elle n’eusses, triste gagne-petit,
Gagné la moindre thune,

Tu m’as insulté, toi ! du haut de ton tréteau,
Grossier, trivial, rustre !
Tu m’as insulté, moi ! l’homme épris du seul beau,
Moi, qu’on veut croire illustre.

Tu parles de mes mœurs, espèce de bavard,
D’ailleurs sans éloquence,
Mais l’injure quand d’un tel faquin elle part
S’appelle… conséquence.

La conséquence est que, d’abord tu n’es qu’un sot
Qui pouvait vivre bête,
Sans plus, – tandis que, grâce à ce honteux assaut
Vers un pauvre poète,

Un poète naïf qui n’avait d’autre tort
Que d’être ce poète,
As mérité de lui, paresseux qui t’endors
Poncif, laid, dans ta boète,

(Comme tu prononces, double et triple auverpin)
Que les siècles à suivre
Compissent, et pis ! ton nom, Grivel (prends un bain)
Grâce à ce petit livre.
(Invectives)

[ Une liste de poèmes ]
... Paul Verlaine, quelques poèmes.